Adán De La Garza
– Methods for Composing Random Compositions –
02.12.2020 – 30.12.2020
HD | 2012 | 24 min
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LE MICROCINÉMA AU TEMPS DE LA COVID-19
Cet événement est présenté en ligne en raison des restrictions imposées relatives aux déplacements et aux rassemblements publics.
Pour une durée limitée, la lumière collective présente à chaque semaine le film d’un artiste accompagné d’un texte de commande.
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Présenté par
la lumière collective
en collaboration avec
Clint Enns
“Incontrôlables erreurs d’interprétations »: Une entrevue avec Adán de la Garza
Adán de la Garza est un artiste basé à Denver, au Colorado, actuellement membre anonyme du collectif de commissariat Collective Misnomer. Son travail inclut des performances, de l’art sonore, de la photographie et des vidéos marqués par un fort ethos punk. Le bricolage et les stratégies de distribution alternatives font partie intégrante de sa démarche avec, par exemple, des zines, des cassettes et des disques lathe cut de 7 pouces. Adán et moi-même nous sommes rencontrés pour la première fois à Toronto en 2014 lors de la présentation de Nothing to See Here (un projet artistique collaboratif réalisé avec Christina Battle) qui incluait deux projections : une intitulée Loud!!!, composée de films au sein desquels le son est priorisé, l’autre Denver ≥ Denver proposait des œuvres réalisées par des artistes basés dans la ville du même nom. Nous sommes devenus amis à travers notre obsession mutuelle pour les bobines 35mm trouvées dans des appareils photos abandonnés. En 2017, dans un esprit d’échange culturel, j’ai présenté à Denver un programme de films réalisés par des artistes de Toronto intitulé What a Time to Be Alive. Cette entrevue est une extension de ces échanges. Elle a été réalisée par vidéoconférence et éditée de manière collaborative pour arriver à sa forme actuelle.
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CE : Comment as-tu commencé ta pratique artistique ?
AdlG : À l’école secondaire, j’ai été placé dans un cours de photographie noir et blanc qui alternait entre trois différents sujets : la photographie, comment jouer aux cartes et la scénographie. En gros, c’était un cours pour les délinquants qui ne s’étaient pas inscrits à temps à d’autres cours. En scénographie, je construisais des décors pour des pièces de théâtre qui n’étaient pas mises en scène puisqu’on était déjà au dernier trimestre scolaire, et je détestais jouer aux cartes. Ce n’est que dans ma vingtaine que j’ai commencé à m’intéresser à l’art. Ma pratique s’est mise en place graduellement.
J’ai été introduit aux sous-cultures punk et métal très tôt. Les magazines de skate, MTV, les bandes dessinées et Nickelodeon m’ont initié à l’art. Je pensais devenir un photographe de skate. Quand j’étais adolescent, mes amis et moi avons commencé à faire des vidéos sur le modèle des cascades réalisées dans Jackass. On voulait faire des vidéos de skate, mais aucun d’entre nous ne savait en faire. C’est définitivement le point de départ de mon intérêt pour la vidéo ainsi que de la part d’absurde qu’on retrouve dans ma pratique. Ces vidéos existent actuellement dans un zine vidéo intitulé We weren’t bored (2014).
CE : On constate que ton travail est définitivement influencé par la performance extrême. Tu considères Jackass comme de l’art performatif ?
Je considère que c’est de l’art au même titre que Dada en est. J’ai un jour co-présenté un cours intitulé “De Dada à Jackass” avec Jenna Maurice, qui est devenue ma partenaire. Le lignage est clair entre la performance artistique et Jackass. Il est possible de retracer des itérations de performances artistiques issues de Jackass. Johnny Knoxville, dans une combinaison ignifuge recouverte de steaks, s’est lui-même grillé. Alors qu’il goûtait au fruit de son labeur, il a proclamé : “Cette performance artistique est pour les oiseaux.” Tout comme Dada était anti-art, Jackass rejette l’art et la culture bourgeoise. Également, la première du film Jackass a eu lieu au MoMa.
CE : Est-ce que Come Steal My Art (2009), une exposition où tu invitais les gens à essayer de voler tes œuvres, était ta première “vraie” performance ? Est-ce que certaines de ces œuvres étaient à vendre ou étaient-elles seulement destinées à être volées ? Tout en considérant les coûts liés à la production des œuvres, as-tu pu générer un revenu avec cette exposition?
AdlG : C’était ma première performance, et elle a pris place de manière accidentelle. Il y avait des tirages photographiques, des autocollants, des zines, des boutons, des sérigraphies. C’est une des dernières choses que j’ai faites en Arizona avant de déménager au Colorado pour les études supérieures. C’était une exposition d’art, mais c’était aussi une fête de départ où je souhaitais donner de manière ludique des œuvres à mes amis. Aucune œuvre n’était à vendre. L’exposition a reçu un peu de couverture médiatique et, en définitive, je ne connaissais pas la plupart des gens qui se sont présentés. J’ai essayé d’empêcher les gens de voler les œuvres, mais tout a disparu en trente minutes. J’avais même imprimé un signe avec les règles à suivre et quelqu’un l’a volé. J’avais supposé naïvement que j’aurais pu contrôler le chaos. Beaucoup de mes amis se sont présentés après que tout ait été volé. Il y avait un pot pour les donations à l’entrée et ce fut mon exposition la plus profitable. Mais si on y soustrait la main d’œuvre (et mes dettes étudiantes), je n’ai pas fait d’argent. Cela dit, cette exposition m’a fait découvrir le potentiel de la performance.
CE : Cette performance est arrivée à un moment où l’on s’intéressait beaucoup aux questions liées au piratage vidéo et musical. Est-ce qu’elle a été pensée en réaction à ces discussions ?
AdlG : J’ai eu accès à l’art, au cinéma et à la musique, principalement à travers Napster et d’autres services de partage de fichiers en peer-to-peer. Maintenant que je milite pour une rémunération équitable des artistes, l’exposition m’apparaît comme une dette cosmique. Je continue de streamer beaucoup de vidéos et de musique mais je soutiens aussi les artistes autrement. C’est une réalité qui nous concerne tous et que nous nous devons de questionner.
CE : Dans ta performance, I have a horrific fear of giving up on art and becoming businessman (2010), tu as fabriqué des piñatas à ton effigie. Elles étaient vêtues de costumes d’affaires et tu as remixé un enregistrement sonore du public invité à les frapper avec des parapluies. Pourquoi des parapluies ? As-tu été influencé par la pièce de Tadanori Yokoo Made in Japan (1965), où Yokoo met en scène sa mort en tant que designer graphique publicitaire à travers l’image d’un homme en costume pendu à une corde et tenant une rose à la main ?
AdlG : J’ai acheté les dix parapluies d’un coup, c’est pour moi un accessoire que possèdent tous les hommes d’affaires et un objet approprié pour frapper une piñata. Je connais mal le travail de Tadanori Yokoo, mais c’est difficile d’être un artiste dans ce monde capitaliste : il faut trouver en permanence l’équilibre entre offrir sa propre vision et réussir à gagner sa vie.
CE : Tu as récemment quitté ton poste universitaire. Dans ta performance vidéo Arbitrary Self Improvement (2014), tu essaies de développer un ensemble de compétences qui n’ont aucune utilité dans la vie de tous les jours. Te sens-tu piégé par tes habiletés artistiques ?
AdlG : Le milieu universitaire m’a un peu forcé la main. J’ai occupé de nombreux emplois d’appoint pendant mes six années en tant que professeur auxiliaire. Ces emplois devaient être à mi-temps ou avec un horaire flexible pour que je puisse les intégrer à mon emploi du temps scolaire chaque semestre. C’est très difficile de survivre uniquement avec un revenu de professeur auxiliaire et à un certain point, j’ai réalisé que j’allais m’endetter si je continuais d’enseigner. Alors j’ai pris la décision de chercher du travail ailleurs. J’aimerais beaucoup enseigner à nouveau, mais je ne peux pas me le permettre.
J’ai finalement trouvé un emploi pour un organisme à but non lucratif qui gérait un système de vélopartage qui, malheureusement, s’est dissout le mois dernier. Je travaillais comme mécanicien de vélos et comme conducteur de camion responsable des livraisons de vélos en ville. C’était une reconversion intéressante. J’ai été confronté à beaucoup d’académiciens “gênés” de me voir occuper un travail manuel. Cela dit, cet environnement de travail était bien plus radical que le milieu universitaire, et j’étais bien mieux payé. Dans cet organisme, mes collègues de travail soutenaient davantage le collectif Collective Misnomer que mes pairs universitaires qui étudient pourtant activement l’art. La lutte pour garder son poste à l’université est souvent malsaine.
Je ne sais pas si je me sens piégé par elles mais je questionne mes compétences. Dans le milieu artistique, on peut facilement se sentir inutile parce qu’on passe son temps à développer des compétences qui ne permettent pas d’assurer un revenu régulier. Je déteste sincèrement cette annexion de la valeur d’un individu à son revenu ou à l’emploi qu’il occupe. Je suis au chômage en ce moment, alors contactez-moi si vous voulez mon curriculum vitae.
CE :Revenons sur ton travail avant que cette discussion ne se transforme en entretien d’embauche. Dans Time Spent Pondering the Absurdity of Being Censored While Talking About Being Censored (2011), tu retires tous les mots de la pièce en réponse à la censure imposée par la Galleries of Contemporary Art University of Colorado. En effet, ils ont retiré ton œuvre tirée de la performance avec la piñata d’une exposition en raison “d’incontrôlables erreurs d’interprétation”. Quel sens accordes-tu à cette explication ?
AdlG : Je n’ai jamais eu de confirmation de la part de la galerie mais, d’après les rumeurs une plainte concernant la violence infligée aux hommes d’affaires qu’auraient représentés les pinatas. La galerie se trouvait dans les mêmes locaux qu’une banque et avait beaucoup de fenêtres. Je présume qu’un homme d’affaires a dû se plaindre.
Est-ce qu’une piñata de moi-même vêtu d’un costume est offensante ? La lettre de la galerie insistait sur l’impossibilité de fournir une explication à tous les visiteurs. J’ai essayé de les comprendre, mais je n’y arrive toujours pas. C’était un geste peu scrupuleux et paresseux de leur part. Faut-il comprendre que toutes les autres œuvres étaient bien reçues par les passants ou qu’elles étaient considérées comme “sécuritaires” parce qu’elles n’invitaient pas à produire de mauvaises interprétations ? Ou la galerie était-elle inquiète d’offenser des donateurs potentiels ?
CE : D’autres de tes œuvres ont-elles déjà été censurées ?
AdlG : Pas intentionnellement. Par contre, mon travail a déjà été mal installé ou mes œuvres simplement éteintes. Peut-être les galeries ne trouvaient-elles pas la télécommande ?
CE : Souhaitais-tu imiter l’esthétique du supercut ? Je pense en particulier à Absolutely No Words (2011), une vidéo dans laquelle sont effacés les mots de lutteurs utilisés dans leurs smack talk, ces commentaires incendiaires qui ont pour but de déstabiliser l’adversaire, ce qui les laissent ainsi à bout de souffle.
AdlG : En 2011, je connaissais mal le concept de supercut. Je m’intéressais plutôt aux parcompositions procédurales et à l’auto-censure.
CE : Ta collaboration avec l’illustre artiste vidéo Christina Battle, intitulée it’s been this way from the start (2015), est explicitement un supercut.
AdlG : Oui.
CE : L’œuvre réemploie une iconographie populaire et des séquences inédites pour recréer Dinosauria We (1992) de Charles Bukowski. Pourquoi Bukowski ?
AdlG : Notre premier contact avec ce texte a été la chanson Cellz de MF Doom tirée de l’album Born Like This. Le texte résonnait avec les anxiétés environnementales que Christina et moi partageons. L’œuvre a été réalisée dans le cadre d’une résidence d’artistes à Mexico City où nous avons passé des heures à regarder les nouvelles d’actualité. Nous nous questionnons aussi sur le rôle des célébrités et leur rôle en tant que nouveaux relais de l’information.
CE : Comment est née ta collaboration avec Nicholas O’Brien pour la performance vidéo de 2012 au titre évocateur : Shadow Puppets in Front of Paintings (2012), soit Marionnettes d’ombres devant tableaux ?
AdlG : Nous sommes toujours restés très proches depuis les études supérieures où nous étions ensemble. Mon moment préféré dans cette pièce est celui au Art Institute of Chicago où nous avons été témoins d’une petite fille inspirée à réaliser ses propres marionnettes d’ombre.
À une autre exposition, nous avons vu des visiteurs interagir avec des œuvres qui n’étaient pas pensées pour être interactives et c’est cette scène qui a été le point de départ pour ce travail. Nous avons poussé le paradoxe à l’extrême en faisant appel à la forme d’art la moins interactive qui soit : la peinture.
CE : Noise Karaoke est une succession de syllabes dénuées de sens en mouvement, inspirée du Cabaret Voltaires, mais réalisée pour le bar de karaoké près de chez toi. Un jour, j’ai modifié le circuit d’une machine à karaoké le résultat était assez similaire : du texte qui bugg à l’écran proposant des interprétations défaillantes des chansons How You Remind Me de Nickelback et Fallin de Alicia Keys. Comment as-tu généré le texte pour ta version ?
AdlG : J’écrivais des chansons inspirées par le mouvement Dada. Je réfléchissais au karaoké comme pratique collective et rassembleuse. C’est une activité démocratique puisque tout le monde doit accepter de chanter faux. C’est la nature même du karaoké d’être mauvais, et comme il est impossible de bien chanter Noise Karaoke, c’est la composition parfaite. Je voyais dans ces vidéos une manière d’inciter toutes les personnes réunies dans une même pièce à crier (ou murmurer) une interprétation décomplexée du son. Par exemple, il n’y a pas de bonne façon de dire “thwweeeerRRrmmp”. Chacune de mes performances, surtout avec le collectif The Flinching Eye, a été une expérience agréable. Le public est généralement composé de 10 à 30 personnes, mais nous avons un jour performé à La Biennale des Amériques devant un public de quelques milliers d’individus, majoritairement des familles et des fans de concerts. Depuis la scène, ça avait l’air d’un millier de huées. Nous avions des amis dans la salle qui nous ont confirmé que les gens se sont vraiment donnés.
CE : Travailles-tu toujours sur mon projet favori Lurkin’ Hard, un zine composé d’images tirées de bobines 35mm trouvées dans des appareils photos abandonnés ?
AdlG : Lurkin’ Hard est toujours en cours de réalisation, mais il a été interrompu pendant quelques années avec l’augmentation du coût de développement photo. J’ai un sac poubelle rempli de bobines 35mm qui attendent d’être développées, donc appuyez sur le bouton donation en bas de cette page si vous voulez une copie.
CE : Un autre zine du nom de Key Phrase (2018) consiste en une collection de traductions problématiques de Duolingo. J’apprends tranquillement le français à l’aide de cette application et je ne suis jamais tombé sur des phrases réellement offensantes, mais plutôt sur certaines qui renforcent certains stéréotypes comme “Les Français aiment les baguettes”.
AdlG : Oui, les choses que je trouvais sur Duolingo en espagnol étaient indéniablement tordues. Par exemple :
“Ce n’est pas votre terre.”
“Je ne cuisine jamais pour mes enfants.”
“On ne pense pas.”
“Vous n’avez pas de culture.”
J’ai tout un dossier de captures d’écran de ces phrases vraiment douteuses. J’ai récemment réactivé mon compte et on dirait que ça a changé. À l’époque ,je dirais qu’au moins 25 % des traductions étaient problématiques.
CE : Ta pièce la plus récente, Protest Etiquette (2020) est un retour à la performance artistique extrême. Tu traverses un paysage désertique rocailleux avec un cocktail molotov qui brûle en balancier sur ta tête. Est-ce possible de contrevenir au racisme systémique et autres formes d’injustices sociales tout en restant poli ?
AdlG : Cela nécessite un large éventail de techniques qui, pour la plupart, ne sont pas considérées comme polies. La politesse est une façon de ne pas s’engager.Un certain degré d’infraction est nécessaire pour communiquer la gravité de certaines choses. Même si je pense qu’il est possible de livrer un message tout en restant cordial, ce mode d’action ne sera pas toujours écouté par l’institution. Les méthodes plus extrêmes deviennent alors l’unique option. C’est difficile d’encourager l’’empathie. Je pense qu’il est important de valoriser tout un éventail de tactiques pour initier un changement sociétal. Être un activiste avec son mégaphone n’est pas la seule façon d’être politiquement actif. Tant que l’on poursuit un objectif commun, je pense que cette diversité d’approches est précieuse.
CE : Peux-tu parler du rôle du paysage dans Protest Etiquette ?
AdlG : Le tournage a eu lieu dans la Vallée de la Mort, plus précisément dans un lieu nommé le parcours de golf du diable, The Devil’s Golf Course. Les roches ressemblent à des cristaux de sel dentelés formant un système complexe semblable au corail. En dessous du sol se trouve de l’eau en profondeur. Ainsi marcher sur celles-ci, même sans cocktail molotov enflammé sur la tête, est une tâche ardue, ce qui accentue d’autant plus la tension dans l’œuvre. Ces roches sont également magnifiques. Je trouve les paysages désertiques incroyablement séduisants et je fais appel à ceux-ci dans d’autres œuvres tel que dans Adding Sun (2017) où je brûle des vinyles à l’aide d’une loupe et des rayons du soleil, et dans Giving myself a reason to scream but not cry (2015-présent). Tout paysage est politique si on se penche sur son histoire. Le paysage est une tradition bien établie dans le monde de l’art mais je ne suis pas tout à fait en accord avec l’aspect politique qu’on lui attribue. Je les conçois comme un portail qui permet d’atteindre des gens qui ne s’intéressent pas ou évitent les œuvres politiques. Le paysage devient un moyen pour engager une conversation politisée.
CE : Dans une autre collaboration avec Battle, Five states of freedom (2013-2016), tu réactives des sites militaires abandonnés. Était-ce difficile de localiser ces lieux ? Comment as-tu choisi les performances associées à chaque site ?
AdlG : Il y a des bases de données qui répertorient des sites militaires abandonnés, des silos nucléaires et d’autres endroits inhabituels et “hors réseau” aux États-Unis. The Center for Land Use Interpretation est un outil incroyable qui nous a permis de trouver beaucoup des sites que nous avons documentés. Beaucoup d’entre eux se trouvent dans le sud-ouest. L’armée n’a pas l’air de penser à l’écologie du désert. Elle le considère comme un espace mort. C’est pour cette même raison qu’ils y ont fait des essais nucléaires. Si vous ne pouvez pas cultiver cette terre, faites-la exploser.
Le projet traite principalement des traces laissées par les complexes militaro-industriels. Pas seulement les résidus physiques, mais aussi chimiques et biologiques. Sur chaque site, nous avons essayé de représenter par des symboles visuels l’histoire et la toxicité liées auxdits espaces. Ces lieux ont été classés comme “sécuritaires”, cela dit leur histoire reste toxique. Il y a tellement de métaux et de produits chimiques qui se détériorent dans le sol en dessous et autour des bunkers. Les feux d’artifices que nous avons utilisés ont été ainsi choisis pour représenter quelques éléments liés à l’histoire des lieux ou à leur état actuel. Par exemple, five states of freedom #5 se trouve à 15 miles à l’extérieur de Denver : le FBI y est intervenu à cause de la grande négligence sanitaire dans la région. Suite à sa fermeture, la terre a été transformée en un refuge faunique, mais aujourd’hui de nouvelles banlieues sont littéralement construites en bordure de ce terrain contaminé. Nous avons utilisé des feux d’artifices qu’on nomme flashers, qui brûlent à chaud, clignotent et ainsi illuminent la zone par des éclats lumineux qui marquent fortement la rétine et laissent des brûlures au sol.
CE : Giving myself a reason traite du burn-out politique, du self-care et de l’inefficacité apparente liée aux changements politiques. Depuis que tu as commencé à réaliser cette œuvre, des protestations ont éclaté partout aux États-Unis. Ressens-tu la même chose depuis ou as-tu développé une sorte d’optimisme nouveau ?
AdlG : D’une certaine manière, oui, mais ce qui me préoccupe est de trouver une façon pour qu’un système oppressant soit à l’écoute. Il faudrait minimalement que l’instance dirigeante soit à l’écoute pour qu’un changement politique puisse s’opérer. J’ai du mal à me dire optimiste face aux circonstances qui nous ont amenés là où nous en sommes: les morts non-nécessaires, le travail de masse et une pandémie évitable. Pourquoi assistons-nous toujours au changement à travers le prisme de la tragédie ? Je veux une instance dirigeante capable d’écouter ses citoyens, de s’adapter rapidement et efficacement, et qui prend des mesures préventives afin de sauver des vies.
CE : Dans une version de cette œuvre, tu cries alors qu’un drapeau blanc brûle. Pourquoi avoir choisi un drapeau blanc et pas un drapeau plus chargé symboliquement, comme par exemple le drapeau confédéré ? Au moins, ça en aurait fait un de moins dans ce monde.
AdlG : Un drapeau blanc est un signe de traité et/ou de paix. C’est un symbole de conformité. Brûler un drapeau blanc, c’estsignifier le refus d’abondonner le combat et de conformer. Même si je soutiens l’idée de brûler le drapeau confédéré, c’est un geste dont la symbolique se limite à une histoire spécifique. Ici, je voulais adopter une position plus large.
La performance avec le drapeau blanc s’est déroulée à Racetrack Playa dans la Vallée de la Mort où les roches se déplacent lentement au sein du paysage. Si ces roches sont en mesure de bouger, les idées le peuvent certainement aussi. Les roches laissent généralement des traces, mais quand j’y suis allé, celles-ci avaient disparu à cause de la pluie. On peut poursuivre avec cette métaphore pour aborder les questions de stagnation politique. Dans tous les cas, le changement politique contemporain se fait lentement. Ces roches bougeront à nouveau, qu’on en soit témoins ou non.
CE : Dans Methods for Composing Random Compositions (2012), tu utilises des objets du quotidien pour produire de la musique qui, avec humour, intègre des éléments qui sont le fruit du hasard. Tous les sons sont générés par des objets et la performance dure aussi longtemps que les sons émis. Beaucoup de ces sons se rapprochent, par leur dimension explosive, de ceux rattachés au concept de guerre sonique, soit du “sonic warfare”. Quel rôle joue l’humour dans cette exploration du concept de guerre sonique ? Est-ce qu’il peut être une arme politique ?
AdlG : J’ai du mal à faire appel à l’humour dans mon travail puisqu’il est utilisé à tort à et à travers, pour dire tout et n’importe quoi. On invoque le sens de l’humour dès qu’une situation est offensante. L’humour est complexe et peut être un incroyable levier d’opinion. Ce peut être le point de départ qui permet d’introduire les gens à une œuvre, mais aussi le point final pour ceux qui ne s’intéressent pas plus au sujet. Ma vidéo Methods for Composing Random Compositions est souvent considérée comme drôle par les spectateurs, ce qui en fait un échec à mes yeux. Les jouets qui sont utilisés dans cette vidéo représentent des microcosmes de guerre. Ce sont des outils d’entraînement pour se familiariser avec la guerre. Des images de chars et de bombardiers sont imprimées sur les sacs des bombes. De manière similaire, dans Five States of Freedom, nous avons utilisé des explosifs vendus au grand public et destinés aux enfants et aux « patriotes ».
CE : Dans A Space for Reflection (2012), les miroirs invitent le spectateur à réfléchir aux ondes émises par un canon à son (LRAD) qui se propagent dans l’espace par le biais de haut-parleurs rotatifs et directionnels. Peux-tu parler de ce lien entre la musique noise, qui est une forme de divertissement pour certains, et les sons issus du “sonic warfare”, qui sont utilisés comme une forme de torture psychologique ?
AdlG : La musique noise, pour moi, est simplement un autre genre de musique comme le métal ou la country. Ce qui distingue le noise d’autres genres c’est qu’il requiert un engagement de la part des auditeurs. Ce n’est pas une expérience d’écoute passive mais, au contraire, viscérale et dérangeante, ce qui n’est pas fait pour la plupart des gens.
Dans A Space for Reflection, j’utilise la version bon marché du haut-parleur directionnel utilisé par les canons à son, les LRADs. Les haut-parleurs directionnels propulsent le son d’une manière unique. Dans l’installation, le son se répercute sur les surfaces réfléchissantes et envahit la pièce. Comme les haut-parleurs tournent, le son se déplace de manière désorientante ou plaisante dépendamment des goûts musicaux. Dans mon œuvre, le son des LRADs est rendu interactif. En général, ces canons sont utilisés pour viser une personne spécifique plutôt que toute une pièce.
Le volume et la durée sont les deux différences majeures entre la musique noise et les sons issus du “sonic warfare”. En outre, le “sonic warfare” met en place une dynamique de pouvoir avec un individu assujetti à un autre
Bien que le son ait une qualité impérialiste inhérente, puisqu’on ne peut pas complètement l’ignorer, l’auditeur n’est pas tenu captif par mon installation. Je n’ai pas l’intention de lui faire du mal. Le volume des canons à son peut endommager de manière permanente l’ouïe de quelqu’un, et le volume au sein de mon installation ne sera jamais aussi fort.
CE : Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
AdlG : Je tourne un projet vidéo depuis quelques années qui traite de la désertification de la terre, des migrations climatiques et de l’effondrement de la société. Pour faire simple, c’est une fiction expérimentale spéculative au format épisodique, composé de trois ou quatre chapitres, et l’histoire se déroule dans le futur. Un des chapitres est consacré au 1 % de la population qui réalise que Mars ne sera pas une extension luxueuse de notre mode de vie, et qu’elle est en fait inhabitable ou aussi hostile que ce que deviendra la terre à cause du changement climatique. La production de cette vidéo est en pause à cause de la Covid-19. J’avais une résidence d’artiste et plusieurs plans de voyages pour ce tournage, mais tout cela a été reporté à cause de la pandémie. La situation sociopolitique actuelle éclaire beaucoup le projet sur des sujets comme la déforestation et son lien avec les crises climatiques. J’ai dû prendre du recul : la recherche commençait à me peser alors que je constatais que des éléments dystopiques de science fiction arrivaient dans la vraie vie, en temps réel.
Sur une note plus positive, la situation actuelle m’a permis de revisiter AYA. Si des lecteurs sont intéressés à réaliser un échange de zines, je serais très heureux de recevoir leurs emails
CE : Y-a-t-il des projections en ligne du collectif Collective Misnomer dont nous devrions être au courant ?
AdlG : Les prochaines projections seront toutes en ligne cette année. Les commissaires sont des membres anonymes et les programmes sont composés d’œuvres réalisées par leurs amis et des membres actifs de leurs communautés. Les programmes présentés par Jared Steffensen, Nika Kaiser, Raven Chacon et Lydia Moyer sont quelques-uns des moments phares des mois à venir. Une programmation faite entre amis.
Traduction : Samy Bennamar & Emma Roufs
La version originale de ce texte a été publiée sur Offscreen le 13.11.2020
Cet événement est présenté dans le cadre de la série ÉMERGENCE.
ÉMERGENCE est la version en ligne adaptée des activités concrètes prévues par la lumière collective. L’amour en ligne à l’époque de COVID.
Au lieu de tout simplement décharger les films et vidéos proposés en ligne, la lumière collective a sélectionné une œuvre par artiste et a demandé à ce qu’un écrivain local s’implique avec cette œuvre.
ÉMERGENCE est une nouvelle combinaison, une connexion locale, un engagement pour contrer la séparation.
Nous sommes impatients de vous voir de l’autre côté.
EMERGENCE est présenté avec le support du Conseil des arts du Canada.
Clint Enns
“Uncontrollable Misinterpretations”: An Interview with Adán De La Garza
Adán de la Garza is an artist based in Denver, Colorado and he is currently an anonymous member of the curatorial Collective Misnomer. His work incorporates performance, sound, photography, and video and is made with a strong punk ethos. He embraces various DIY strategies and distribution modes including handmade zines, cassettes, and lathe cut 7 inches. Adán and I first met in Toronto in 2014 when Nothing to See Here (a collaborative art project with Christina Battle) presented two curated programs, namely, Loud!!!, a program of moving image works in which the sound component of the work is prioritized, and Denver ≥ Denver, a screening of Denver-based artists. We became friends over a mutual obsession involving found 35mm photographs rescued from abandoned cameras. In 2017, in the spirit of cultural exchange, I brought What a Time to Be Alive, a screening of Toronto-based artists, to Denver. This interview is an extension of these cultural exchanges. It was conducted over video chat and collaboratively edited into its current form.
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CE: How did you begin making art?
AdlG: In middle school, I was placed into a black and white photography class that rotated between three different subject matters: photography, how to play card games, and stagecraft. It was basically a course for delinquents who didn’t sign up for classes on time. In stagecraft, I built sets for plays that would never happen since we were in the last term and I hate card games. It wasn’t until my twenties that I actually began consciously pursuing art. It was something that I gradually kept doing more and more.
I was introduced to punk and metal subcultures early on. Skateboard magazines, MTV, comics, and Nickelodeon were my actual introduction to art. I originally thought I would become a skateboard photographer. When I was a teenager, my friends and I began making videos emulating the stunts performed on Jackass. We wanted to make skate videos, but none of us could really skate. This definitely laid the foundation for my interest in video and incorporating elements of absurdity into my art practice. These videos currently exist in a video zine called We weren’t bored (2014).
CE: You can definitely see the roots of extreme performance in your work. Do consider Jackass to be performance art?
AdlG: I think of it as art in the same way that I think Dada is art. I once co-taught a class called From Dada to Jackass with my now partner Jenna Maurice. There is a clear lineage from performance art to Jackass and it is possible to trace contemporary iterations of performance art from Jackass. Johnny Knoxville in a flame retardant suit covered in steaks once grilled himself. While tasting the fruits of his labour, he famously proclaimed: “This performance art is for the birds.” In the same way that Dada was anti-art, Jackass was a rejection of art and Bourgeoisie culture. Also, the last Jackass movie opened at the MoMA.
CE: Was Come Steal My Art (2009), an exhibition where you invited people to come and attempt to steal your artwork, your first “real” performance? Was any of the work for sale or was it only available to be stolen? Given the cost associated with art production, did you manage to make any money from the show?
AdlG: It unintentionally was my first performance but it incorporated photographic prints, stickers, zines, buttons, screenprints and it was one of the last things I did in Arizona before I moved to Colorado for graduate school. It was an art show, but it was also a going away party where I was hoping to playfully give away artworks to friends. None of the art was for sale. The show received some media coverage and I didn’t know most of the people that ended up coming. I did attempt to prevent people from actually stealing the work, but everything was gone within thirty minutes. I had even printed a sign with rules, but someone stole that too. I had somehow naively assumed I could control the chaos. A lot of friends ended up coming after all of the work was gone. There was a donation jar and it ended up being one of my most profitable exhibitions. If you include labour (or my student loans), I didn’t break even; however, that exhibition showed me the potential of performance.
CE: The performance came at a time when people were engaging with discussions around pirating videos and music. Was this piece a response to these ideas?
AdlG: Napster and other peer-to-peer were heavily responsible for my access to art, cinema, and music. The show was a bit of a cosmic debt, given that I am now militant about paying and receiving artist fees. I still stream a lot of videos and music. At the same time, I try to support artists in other ways. This is something that everyone currently navigates and should reflect upon.
CE: In your performance, I have a horrific fear of giving up on art and becoming a businessman (2010), you created piñata’s of yourself in a business suit and remixed the sounds of them being hit by audience members with umbrellas. Why umbrellas? Were you influenced by Tadanori Yokoo’s Made in Japan (1965), a piece in which Yokoo declares his death as a “commercial” graphic designer through the image of a man in a business suit hanging from a noose while holding a rose in his hand?
AdlG: I bought all ten umbrellas at the same time, and thought it was an item all business people came equipped with. I also thought they would be a funny object to strike the piñata’s with. I’m not really familiar with Tadanori Yokoo’s work but I struggle with being an artist within a capitalist framework. That delicate balance between making your own work and making a living.
CE: You have recently given up working in academia. In your performance video Arbitrary Self Improvement (2014), you attempt to develop a set of skills that have no practical purpose in everyday life. Do you feel trapped by your skillset as an artist?
AdlG: Academia kinda forced my hand there. I held a lot of side jobs over the six years when I was adjuncting, and they all had to be temporary or flexible enough so that I could fit in my teaching schedule each semester. It’s really difficult to exist solely on what they pay adjunct professors and at a certain point I realized that I was going into debt by trying to continue to teach. So I made the decision to seek employment elsewhere. I would love to teach again but I just can’t afford to.
I eventually landed a job at a non-profit bike share that, unfortunately, dissolved last month. I worked as a bike mechanic and a truck driver delivering bikes throughout the city. It was an interesting transition and I encountered a handful of academics who I could only explain as being “embarrassed for me” for having a job that required physical labor. This work environment was way more radical than any academic setting that I have ever found myself in, and it paid substantially better. It also provided me with health insurance, unlike many adjunct positions. My coworkers at the non-profit were also more supportive of Collective Misnomer than most of my academic peers that were actively studying art. The struggle to maintain an academic title is often unhealthy.
I don’t know that I feel trapped by my own skillset, but I worry about it. In the arts, people often feel useless because they spend time building up a skillset that largely doesn’t produce a consistent income. I really hate the idea of trying to equate my self-worth to how much I make, or the job that I have. I’m currently unemployed, so reach out to me if you would like to see my resume.
CE: This is starting to feel like a job interview, let’s get back to discussing your work. In Time Spent Pondering the Absurdity of Being Censored While Talking About Being Censored (2011), you edit out all of the words in a response to being censored by Galleries of Contemporary Art University of Colorado. They pulled your “piñata performance piece” [I have a horrific fear…] from a sound art show due to “uncontrollable misinterpretation.” What do you think this means?
AdlG: I have never had this confirmed since no one from the gallery actually told me, but through the rumor mill, I heard that someone had complained thinking that the piñata’s were lynched businessmen. The gallery was situated in the lobby of a bank building with lots of windows, so I assume it was one of them who complained.
Is a piñata of myself in a suit offensive? Their letter focused on the idea that they couldn’t provide an explanation to every person passing by, hence they had to remove the work. I tried, but I just couldn’t see where they were coming from. It also felt uncourageous and lazy. Does this mean that all of the other work that remained in the show was understood by those who passed by, or that it was “safe” enough to be impervious to misinterpretation? Or was the gallery simply worried about offending potential donors?
CE: Have any of your other work been censored?
AdlG: Not intentionally. I’ve definitely been to galleries and seen my work installed improperly or off entirely. Perhaps they couldn’t find the remote?
CE: Was it an intent to mimic the aesthetics of the supercut? In particular, I am thinking of Absolutely No Words (2011), a video in which the words have been removed from wrestlers’ smack talk, leaving them only gasping for air.
AdlG: In 2011, I wasn’t familiar with the concept of a supercut. I was focusing more on procedural compositions and self-censorship.
CE: But, of course, your collaboration with Canadian moving image superstar Christina Battle, it’s been this way from the start (2015) is explicitly a supercut.
AdlG: Yeah.
CE: The piece uses pop iconography and news footage to recreate Charles Bukowski’s Dinosauria We (1992). Why Bukowski?
AdlG: We were introduced to the text through the MF Doom song Cellz from the album “Born Like This.” The text resonated with the environmental anxieties that Christina and I both share. We created the work at an artist residency in Mexico City and spent days watching news feeds. At the time, we were also thinking about how celebrities had become a form of news commentary or another way in which people receive information.
CE: How did your collaboration with Nicholas O’Brien on the self-explanatory Shadow Puppets in Front of Paintings (2012) come about?
AdlG: We were in graduate school together and are still super close. My favorite is the one at the Art Institute of Chicago where a little girl was inspired to make her own shadow puppets. The inspiration for the piece came at an art show where Nicholas and I witnessed people interacting with non-interactive art. We thought that we would take this to its logical conclusion, the most non-interactive form of art, painting.
CE: Noise Karaoke is a series of moving nonsensical syllables, inspired by Cabaret Voltaires but made for your local karaoke bar. I once circuit bent a plug-and-play karaoke machine and the result was quite similar. Glitched text on the screen with broken interpretations of Nickelback’s How You Remind Me and Alicia Keys’ Fallin’. How did you generate the text for your version?
AdlG: I was making up songs that were Dada inspired. I was looking at karaoke as a group activity that can unify based on a communal action. It’s democratic in the way that people have to embrace singing poorly. The very nature of karaoke is that you need to be bad, and Noise Karaoke inherently makes everyone bad, meaning perfect. I had envisioned these videos as a way to get an entire room to embrace yelling (and whispering) nonsense and free interpretations of sound. For instance, there is no right way to whisper “thwweeeerRRrmmp.” I have performed them a handful of times, mostly with The Flinching Eye Collective, and it’s always been a really enjoyable experience. The audience is usually somewhere between 10 to 30 people but we once performed at The Biennial of the Americas with an audience of few thousand people, mainly families and live music enthusiasts. From the stage, it literally sounded like a few thousand people all booing. We had friends in the audience and they said people really got into it.
CE: Are you still working on my personal favorite of your projects, Lurkin’ Hard, a zine series of images consisting of images found on 35mm film from used cameras?
AdlG: Lurkin’ Hard is ongoing, but it has been on hiatus for a few years since processing film has become super expensive. At this point, I have a garbage bag full of 35mm film to process, so smash that donation button at the bottom of the page if you want a copy.
CE: Another zine Key Phrase (2018) was a collection of problematic Duolingo translations. I have been slowly learning French through the app and haven’t discovered any truly offensive phrases other than those that reinforce slightly humorous stereotypes like “Les Français aiment les baguettes.”
AglG: Yeah the stuff I was finding in Duolingo for Spanish was unquestionably fucked up. For instance:
“It is not your land.”
“I never make food for my children.”
“We do not think.”
“You have no culture.”
I’ve got a whole folder of screen grabs with phrases that are really questionable. I’ve recently reactivated my account and it seems to have changed. Back then it seemed like at least 25% of the translations were problematic.
CE: Your most recent work, Protest Etiquette (2020) returns to extreme performance art. With a burning molotov cocktail balanced on your head, you walk across a rocky desert landscape. Is it possible to fix systemic racism or other forms of injustice while being polite?
AdlG: It requires a wide array of techniques, many of which are not polite. Politeness is a form of non-acknowledgement. There needs to be a certain level of infringement of order for people to convey the seriousness of the matter. While I think people can be civil and deliver a message, not everyone has an institutional ear they can whisper into. In this case, more extreme methods become the only option. Empathy is hard to enforce. I think it’s important to value a whole spectrum of tactics employed to implement societal change. The activist with a megaphone isn’t the only way for a person to be politically active. As long as the work has the same long term goals, I think it is valuable.
CE: Can you talk about the role the landscape plays in Protest Etiquette?
AdlG: It was shot in Death Valley in a place called the Devil’s Golf Course. The rocks there are actually jagged salt crystals which form an intricate system similar to coral. Deep under the surface there is actually water. Walking on them, even without a burning molotov on your head, is difficult at best, which further adds to the tension of the piece. They are also really beautiful. I find desert landscapes incredibly seductive and have used them in other work including Adding Sun (2017), a piece which documents sunlight burnt onto records using a magnifying glass, and Giving myself a reason to scream but not cry (2015-present). All landscapes are political if you look at their history. The landscape is a really well established tradition in art that often has a politic that I don’t necessarily agree with. I see them as a gateway to reach people who may not engage with or who avoid political work. That is, the landscape is a gateway to a more politicized conversation.
CE: In another collaboration with Battle, five states of freedom (2013-2016), you reactivate abandoned military sites. How difficult was it for you to track down these abandoned sites? How did you choose the intervention to perform at each site?
AdlG: There are entire databases devoted to abandoned military sites, nuclear silos, and other unusual and off-grid sites in the US. The Center for Land Use Interpretation is an amazing resource that we used to find many of the sites that we documented. The southwest is littered with these sites since the military does not have any concept of what a desert ecology should look like and assume it is just dead space…same reason they drop nuclear bombs there. If you can’t farm on it, blow it up.
The project is largely about the residue the military industrial complex leaves behind. Not only the physical residue, but also the chemical and biological. At each site, we were trying to equate a visual cue with the history and toxicity of that space. These locations have been deemed “safe” to be around but their history is toxic. There are so many heavy metals and chemicals just deteriorating into the soil beneath and around each bunker. The fireworks we selected were chosen to visualize some element of the sites history or current state. For instance, five states of freedom #5 is about fifteen miles outside of Denver at a site so reckless with their waste that the FBI actually raided them. Upon shutting down, the land was turned into a “wildlife refuge” but now new suburban developments are literally being built on the edge of that contaminated land. We used fireworks called “flashers” that burn hot and strobe, illuminating the area in bright retina etching bursts while leaving the ground scorched.
CE: Giving myself a reason addresses political burn-out, self-care and the seeming ineffectiveness of political change. Since you began making this work, the United States has erupted into protest. Do you still feel the same way or have you developed a newfound optimism?
AdlG: In some ways I do, but I am also very concerned with finding a way to get an oppressive system to listen. At a bare minimum, you need a governing body that will listen in order for there to be political change. I have a hard time calling my view optimistic because of the circumstances it took to mobilize it: unnecessary deaths, mass employment, and a preventable pandemic. Why do we always witness change through the lens of tragedy? I want a governing body that has the ability to listen to its citizens, make quick direct adaptations, and preemptively take actions that preserve all life.
CE: In a one version of the piece, you scream while a white flag burns. Why did you choose a white flag and not a more loaded symbol, for instance, a confederate flag? At the very least, it would be one less confederate flag in the world.
AdlG: A white flag is a sign of treaty and/or peace. It is a symbol of compliance, and through burning it, it becomes a sign of not giving up or giving in. While I support the burning of the confederate flag, it is a very limited gesture with a specific history. For this piece I wanted to take a broader stance.
The performance with the white flag took place on The Racetrack Playa in Death Valley, where there are rocks that slowly move around the landscape. If these rocks are able to move, then surely ideas can. The rocks usually leave trails, but when I got there they had been erased due to rain which, if we are willing to stretch this metaphor, points to preserved political stagnation. Either way, contemporary political change is slow moving. Those rocks will move again, whether we bear witness or not.
CE: In Methods for Composing Random Compositions (2012), you use everyday objects to perform music that, often humorously, incorporates elements of random chance. All of the sounds are generated by the objects and the performance lasts as long as the objects generate sound. Many of the objects share the explosive qualities of sonic warfare. What is the role humour plays in navigating a concept such as sonic warfare? Is humour a political weapon?
AdlG: I struggle with using humour in my work as it has recently been utilized as a catch all for being able to say anything. That is, if you find this offensive…get a sense of humor. Humour is complicated. It can be an amazing sledgehammer. It can be a starting point, allowing people a way into the work, but it can also be an ending point for people who aren’t invested in further inquiry. People have often read Methods for Composing Random Compositions as only funny and in this way I feel it has failed.
The toys used in the video are microcosms of war. They are training tools for familiarity building. The bomb bags literally have images of tanks and bombers on them. Similarly in five states of freedom, we used fireworks, consumer grade explosives marketed to kids and “patriots.”
CE: A Space for Reflection (2012) through the use of mirrors, forces the viewer to reflect on the sound of Long Range Audio Deterrents (LRADs) which sonically infiltrates the space through rotational, directional speakers. Can you speak to the connection between noise music, which people engage with as a form “entertainment,” and sonic warfare, a form of psychological torture?
AdlG: Noise music, to me, is just another genre of music, like metal or country. One of the things that distinguishes noise from other genres is that noise music demands people’s engagement. It is not a passive listening experience and is pretty difficult to ignore. It is also embodied and disruptive, and not for most people.
In A Space for Reflection, I am using the consumer grade version of the directional speaker used in LRADs. Directional speakers throw sound in a unique way. In the installation, the sound bounces off the mirrored surfaces filling the space, and since the speakers rotate, the sound moves in a way that can be disorienting or pleasing depending on your musical taste. In my work, the sound of the LRAD is changed into something the audience can actually engage with. In general, LRADs are not intended to fill space, but to hone in on specific people.
Two main differences between noise music and sonic warfare are volume and duration. Moreover, in sonic warfare there is a power dynamic that forces one to be subjected to another’s agenda. While sound does have an inherent imperialistic quality, in that it is impossible to not experience it entirely on some level, the listener isn’t held captive by my installation and I have no intention to harm them. The LRADs sheer volume can permanently damage someone’s hearing in a matter of seconds and my piece could never get that loud.
CE: What are you currently working on?
AdlG: I’ve been shooting a project over the past few years which deals with the desertification of the earth, climate migration, and societal collapse. Basically, experimental speculative fiction. The video is episodic, with three or four chapters, and takes place in the future. One of the chapters is about the 1% realizing that Mars won’t be an extension of the wealthy’s luxurious lifestyle, and is actually inhabitable or is just as hostile as the earth is going to become due to climate change. The production of the video has been put on hold due to Covid-19. I had an artist residency and a handful of travel plans for shooting disrupted due to the pandemic. The current sociopolitical situation has informed the film. For instance, deforestation and its connection to out-breaks. I had to step away from the project since the research started to be too draining as I was witnessing elements of this sci-fi dystopia happen in real-time.
A positive element of the current situation is that I have had time to revisit AYA and to revamp a few other projects. If you are interested in trading zines, send me an e-mail.
CE: Any upcoming online Collective Misnomer screenings we should know about?
AdlG: The upcoming screenings are all online, at least for the remainder of the year. They have been programmed by unanonymous members and the programs mainly consist of work by their friends and active members of their community. A few highlights include programs by Jared Steffensen, Nika Kaiser, Raven Chacon, and Lydia Moyer. Basically, it is all friends of friends.
Published by Offscreen on 13.11.2020
The original version of this text was published by Offscreen on 13.11.2020
By night, la lumière collective is a microcinema that projects films, videos and expanded cinema produced by local and international artists. By day, la lumière collective is an artists’ studio and residency space with multiple resources for working and experimenting with various moving image media. The collective is led by local artists and curators who believe in creating cinematic works and spaces on a human scale. We facilitate events to bring people together. We create links to help promote and revitalize cinema.
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EMERGENCE is the adapted online version of the practical activities planned by la lumière collective. Online love in the time of COVID.
Instead of simply downloading the films and videos available online, la lumière collective has selected one work by each artist and asked that a local writer be involved with each work.
EMERGENCE is a new combination, a local connectedness, a commitment to counter separation.
We look forward to seeing you on the other side.
EMERGENCE is presented with the support of the Canada Council for the Arts.