Ben Balcom
– Garden City Beautiful –
28.10.2020 – 25.11.2020
HD | 2019 | 12 min
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LE MICROCINÉMA AU TEMPS DE LA COVID-19
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Présenté par
la lumière collective
en collaboration avec
Olivier Godin
Speculations , Garden City Beautiful, News from Nowhere: Ben Balcom en trois films.
à propos de
Speculations
Garden City Beautiful
News from Nowhere
— Je voulais simplement dire des choses directes et douces…
Pasolini
— There is nothing else to trust but what warms…
Samuel R. Delany
— La salicaire est une plante à la fois belle et un peu vulgaire à cause de son extraordinaire vitalité…
Jacques Ferron
Pour muscler sa méditation crépusculaire sur la ville de Milwaukee, Speculations de Ben Balcom extrait des passages du Dhalgren de Samuel R. Delany. Dhalgren est un livre boule de feu ; tout en douceur, une énorme comète à chérir, et on peut regarder dedans également, sans se brûler les yeux. Le feu y déboule dans un étonnant chemin de mots, mots grippés, mots pressés, cela tient un peu de la prouesse, de l’énigme. On fait le plein dans le parfum de pétrole et de fin du monde. Revenus à la surface, les mots se reposent, vous reprendrez votre souffle, et jamais, dans tout ça de flammes et de boucanes, vous n’aurez accordé à l’imagination le répit qui dirait : Assez ! Que fais-tu de mon épuisement et dans quel merveilleux ravin le conduis-tu et que se passe-t-il de la brûlure d’habitude ? Je fais des culbutes pour dire que le Dhalgren fait avec Speculations un mariage réussi. Balcom va donc imposer à Delany une autre respiration que celle, époustouflante, qui est le naturel de son roman. Speculations commence sur une image noire, et dans le murmure argentique, une voix féminine, un peu endormie, un peu nonchalante, semble nous décrire dans ses mots — je n’ai du moins pas eu l’impression que ce passage était tiré de l’œuvre de Delany — la ville fictive de Bellona qui dans le film de Balcom est chargée d’interpréter Milwaukee. Une autre voix, également endormie, nous décrit une journée grise — les mots seront cette fois et dorénavant de Delany. Gris contagieux, gris totem, gris bronchite. Parc, nuages, ciel, tout est gris dans la journée sans ombres, dans la « ville parfaitement ordinaire. » De ce gris thématique émane une part d’ambiguïté : un regard sur la fin des choses, la fin qui n’en finit plus de finir, la fin qui rattrape constamment le présent. On ouvre les yeux dans ce regard et c’est le gris soluble de Verlaine qui est convoqué, le gris d’un art poétique, car le Dhalgren est bien des choses, trop de choses, peut-être, conte sans fruits, mais pornographique, chanson grivoise de l’Afrofutur, roman poussière et boursouflure, l’apocalypse en sandales, poème de gare labyrinthique par excellence, parabole hippie et aussi, otite marxiste. Mais s’il n’est pas, par exemple, une lasagne, il est, notamment et certainement, une ode à la poésie. C’est d’ailleurs pour cette raison que le film de Balcom cogne dans la jointure de la leçon poétique, précisément, et si cela est possible, sur l’Indécis et le Précis et se pose là où « seul fleurit l’inaccessible », je cite Jaccottet, et pour demeurer dans le joli jardin du poète, le fait en cherchant toujours la note intérieure. Les notes, d’ailleurs, elles résonnent, et Balcom s’en empare et en joue magnifiquement, un peu comme un romantique intuitif, s’assurant de jardiner sa mélodie du zeste de l’immense point d’interrogation et d’angoisse du roman : que s’est-il passé à Bellona, à Bellona qui ici est beaucoup moins que Milwaukee ?
— Où sommes-nous ? Je veux dire… qu’est-ce que c’est que ça, cet endroit ? Qu’est-ce qui est arrivé ici ? Comment est-ce que tout ça est survenu ?
— Une bonne question, très bonne même. Pendant longtemps, j’ai pensé que c’était la faute des espions internationaux — j’ai pensé que… oui… que la ville entière racontait une expérience, qu’elle portait en elle une sorte de contre-plan pour détruire tout : le pays, le monde, nous.
Tout à coup, dans une lumière de pleine lune, gris de plâtre, gris d’usine, une femme s’adresse à la caméra. Ses yeux sont inquiets, méchants, les sourcils froncés, elle ne cligne presque pas des yeux. Ses lèvres sont jolies. Elle a peut-être un afro. On ne voit pas ses pieds, ses bottes. Elle récite un monologue volontairement incohérent — il l’est d’autant plus qu’il est cité, comme tout d’ailleurs, sans le contexte narratif de l’œuvre de Delany. Elle met en mots un revirement de perspectives.
— Dans ma ville, dit-elle, c’est toi qui as perdu la raison.
Une autre femme apparait. Elle est blonde et accompagnée d’un homme, il a l’air perdu, elle a l’air sérieuse. On ne voit pas ses pieds, elle non plus. Dans son monologue, l’invisibilité de l’esprit est évoquée. Après les descriptions du début, les mots s’affichent maintenant avec une prédilection plus philosophique, s’imprimant dans l’œuvre selon une direction nébuleuse, explosive. À cet effet, les philosophes que l’on rencontre dans Milwaukee ne sont peut-être pas des plus saints. Ils s’adressent à la caméra, et à des heures pas possibles, prononcent des verdicts de fatalité, ils sont les avocats du pire et de la ville qui est condamnée, restons du côté de la poésie, à la « défaite sans avenir ». Ils sont tous un peu poètes, même ceux qui sont en fait des ingénieurs. Dans un film réalisé en 1971 par Delany, on trouve un plan dans lequel un homme écrase une poignée de compas sur la surface d’une fenêtre. Un plan étrange, donc, excellent. Le film de Delany, intitulé The Orchid, semble être une tentative aussi maladroite que fascinante — louable ratage quand même — de rendre à l’image l’énergie impressionniste qui anime son écriture. Même si ce n’est certainement pas l’intention de Balcom, je peux dire que Speculations, avec une élégance cinématographique et un soin visuel qui échappent à Delany, y arrive, il y arrive, les pieds dans l’époque, la tête dans l’aujourd’hui, le demain, embrassant un décalage, celui du texte et des images, et dans l’amitié de la lumière, mais quand même, avec le concours de la nuit et des ombres, avantage poésie, les plus beaux fruits se cueillent dans la lumière des marges. Et ça se termine bellement sur une citation qui est tirée de la saison de la Peste, quatrième partie, juste après la maison de la Hache, et dans laquelle le personnage principal de Delany, cet homme qui ne porte qu’une sandale, qui a des mains hideuses, qui n’a lu Mallarmé qu’en portugais, qui ne connait pas son nom et qui, dans ses temps libres, griffonne des poèmes dans un calepin, ce calepin qui contient d’autres poèmes dont il ignore tout de l’auteur, sinon que cet auteur est peut-être lui-même, une autre version de lui-même, bref, lui discute longuement avec un autre poète, érudit, prolixe, sage, drôle, à l’image du projet poétique de Delany, le dénommé Newboy. Balcom, dans une intention qui n’est certainement pas anodine, offre les derniers mots de son film à ce dernier, poète et visiteur, qui passerait, comme nous, par là. C’est un beau moment dans le bouquin, mais aussi dans le film et en guise de conclusion, je le traduis humblement de l’américain :
Lorsque vous me demandez la valeur de ces poèmes, vous me demandez en fait quelle place l’image de cette ville tient dans l’esprit de ceux qui n’y sont jamais venus. Hélas, je n’ai pas la prétention d’en offrir à quiconque la suggestion. Par moment, alors que j’erre dans la brume abyssale, ces rues me semblent appartenir à toutes les capitales du monde. À d’autres moments, je vous admets trouver que la ville ressemble à une erreur répugnante et inutile, qui n’entretient aucune affinité avec ce que je pourrais concevoir du monde civilisé et du coup qu’on devrait l’anéantir en plus de l’abandonner. Je ne peux pas la juger parce que je l’expérimente, la ville, de l’intérieur. Je ne pourrai pas en juger non plus une fois en dehors, ailleurs, pour la simple raison que je n’en resterai pour toujours qu’un visiteur.
Si je demande à mon téléphone de traduire vers le français le titre Garden City Beautiful, il répond Ville Jardin Magnifique. C’est une réponse simple et honnête, à l’image du film, ce qui fait penser, je ne sais pas pourquoi, qu’il n’y a rien de particulièrement nouveau dans les films de Ben Balcom. Qui me fait également penser que l’idée même de la nouveauté est une illusion qu’il vaut mieux ne pas chasser, à laquelle il ne faut surtout pas prétendre, surtout si la création a le malheur de s’affubler de l’étiquette expérimentale. Mais de Balcom, c’est l’absence de nouveauté, ou d’expérimentation, qui me permet d’en saluer l’audace discrète et de mieux y discerner sa sensibilité. Une absence travaillée pour chuchoter, dire très peu, mais dire quand même juste assez, chuchoter magnifiquement, c’est encore souhaitable. Ce qui se loge alors dans l’oreille va filer droit dans le cœur, comme si le cœur était un étui, le film, sa musique, une musique totale qui serait à elle seule la convalescence rêvée d’un monde fou, fou braque. La littérature se cache dans ce cinéma, que je veux dire, et la seule nouveauté pertinente me semble tenir de sa volonté effacée de dire tout en ne participant pas à la cacophonie ambiante. De se tenir en marge, pour n’être rien d’autre que ça, de la musique, et très justement, le murmure de l’image. L’avant-garde recycle la nouveauté de ses expériences depuis au moins un demi-siècle — sa plus grande audace est de toujours se réclamer de l’avant garde. Voilà plutôt une œuvre qui n’a de prétention autre que de mettre des textes d’hier en contact avec des images d’aujourd’hui, plus précisément, des images de Milwaukee et plus précisément encore, des textes qui s’adressent à son devenir. Balcom troque le ciel gris pour le ciel bleu, un ciel de carte postale, un ciel de rêves placides. Une voix, toujours un peu endormie, fait la lecture d’une lettre de Victor Berger, rédigée en 1895. Berger était un homme politique, socialiste, lucide et inquiet. Le contenu de sa lettre, sorte de shampoing pour l’apocalypse, l’apocalypse détendue, de celle qui donne naissance à l’entraide et aux communes, comme dans le Dhalgren d’ailleurs, apocalypse avec des poux lumineux, un mal de cheville, cheville bleue, et qui dit la fin du capitalisme et l’indice du progrès dans ce qu’il a de plus vertigineux. Une catastrophe a mis l’individualisme dans un tombeau. Le besoin de l’autre, de rencontrer l’autre, annonce l’ère du vivre ensemble. Les ouvriers accèdent à de meilleures conditions. Les machines sont des amis. Orwell à l’envers, le rêve de William Morris ou l’avènement dans le vrai monde du Major Barbara de Shaw. Mais les étoiles électriques, que se plait à filmer Balcom nerveusement, annoncent que le présent du film n’a rien retenu du futur de Berger, sinon que ce futur est l’articulation d’un rêve qui est criant d’actualité, de vérité, de la vérité qui pénètre le sommeil, le rêve de ceux et celles qui rêvent de ne pas emprunter l’autoroute, mais qui le font, dans un désarroi secret. Balcom se reprend à rêver le rêve de Berger, à s’inscrire dans un cycle qui répète une même nécessité. Des personnages endormis répètent d’ailleurs ce qui a déjà été prononcé ailleurs. Une parenthèse, comme ça, mais l’idée de la répétition est une idée qui nourrit le Dhalgren de Delany de la même manière qu’elle semble ici donner lieu à un cycle qui se partage le jour et la nuit, comme si dans les mots de Berger se trouvaient cachés ceux de Delany, qui forment le secret de l’avenir de Milwaukee, le secret entendu par la caméra de Balcom, dans un rêve, sûrement, un rêve de survie. Ferron écrit quelque part que survivre heureux devient de plus en plus rare dans un « habitat que le béton, l’asphalte et le pétrole sont censés humaniser ». Je cite le plus grand barde du Québec, car il y a ensuite et pour finir, un concert de fragments d’autoroutes blessées, blessés par le progrès qu’elles engendrent, peut-être, béton, asphalte, pétrole. Je dirais que oui. Les images fortes et magnifiques se succèdent pour faire rimer des fissures qui balafrent le bitume. Dos au ciel, la caméra s’éloigne de ces berceaux de botchs de cigarettes, de ces réunions d’herbes malpropres et du goudron qui fait un pansement de glu noire, glu laide et féroce. Éloge de la salicaire ou de l’herbe grise, la répétition nous fait rencontrer une nature pourtant vaincue qui trouve là un accès héroïque vers la lumière. Elle redonne ainsi au peuple des plantes une emprise sur son territoire. De l’espoir, caché dans les sutures de l’autoroute. C’est là, une interprétation tout à fait contestable, je le reconnais, mais c’est la mienne.
Ben Balcom réalise enfin News from Nowhere, dont le titre, par voie d’un clin d’œil à William Morris et à son roman utopique du même nom, est particulièrement intéressant. Le roman de Morris raconte ce qui se trame dans le souterrain du précédent film de Balcom, c’est-à-dire, l’histoire du rêve d’une société future, basée sur le partage et le bien commun. Je le mentionne, car plus qu’une référence, le contenu de cette œuvre tisse de précieux liens entre le film et les précédents, et recontextualise vers l’intime le magnifique texte de Bernadette Mayer, tiré de son recueil Utopia, et qui sert ici d’inspiration principale à Balcom. Ces « nouvelles de nulle part » racontent un autre rendez-vous à l’enseigne du Gris soluble. En résulte une image du monde poétique encore plus évanescente, qui a perdu sa totalité pour se fixer dans la marge du temps. Je n’ai ici rien vu de Milwaukee, encore est-il que je ne sais rien de Milwaukee, sinon l’emblème du cerf, sinon le mariage du base-ball et de la bière, Paul Molitor, ce cogneur qui ressemble à un livreur de lasagne, Michael Redd, catapultaire, citrouilles et tout ça, et aussi, du même coin, Jacob Blake et les assassins policiers. Ce que je ne sais pas, c’est le reste, l’énigme du vert des parcs et de la banlieue, le message qui se cache dans la musique des oiseaux et des saxophones. Le « nulle part » du titre se précise, comme le texte. Une lumière diamantée s’y conjugue, se précise encore, à l’image de cette longue missive panoramique que précède le noir et blanc d’une tapisserie. Elle évoque la nature, la tapisserie, et aussi, les ouvrages de William Morris, penseur du futur et pionnier d’un art décoratif pensé à la souche de l’ancien, lire, l’indémodable. Vous entendrez une musique ambiante. Si vous reconnaissez cette musique, c’est qu’elle semble extraite de la trame sonore de la moitié de la production expérimentale du monde. C’est une musique inoffensive – or, elle se découvre ici dans une déclinaison plus douce que d’habitude. Elle est moins dans ta face, car ce qu’elle vise peut-être, c’est le cœur et l’âme, ces contrées d’un autre nulle part. Elle entretient cette faiblesse, c’est-à-dire, de viser dans le plus mou, mais enfin, je n’oserais pas complètement le lui reprocher. Si vous êtes un adepte du cinéma expérimental, vous la rencontrez donc souvent, cette musique, je parle de celle des drones, bourdon électronique, sauce ambiante, tonalité élastique, mélasse passe-partout aux variations minimes. Si cette musique est pourtant si familière, elle a chez Balcom le grand avantage de jouir du soutien du chant des oiseaux. Lui aussi, nous est familier. Il l’est surtout parce qu’il est souvent la seule musique qui compte. Une musique qui rassemble en elle l’existence du poème qui se respire par les sens. Au début, la tapisserie qui reproduit des images de la nature cède la place à la vraie nature. Du moins, on s’en approche, on sort dehors, voir les oiseaux. Voir les oiseaux, avec les oreilles. Une mouche aussi passe par là. Alors que le texte se termine sur une question, un son enfin organique nous fouette comme pour répondre : le son du saxophone s’appuie sur la chanson des oiseaux. Sur un chemin de terre, la caméra tourne, mais fait aussi tourner le vert des arbres et des ombres. Dans les fragments de ciel bleu, bleu, mais pas trop, un espoir d’après-midi. Et dans le bleu, une sorte de fin apparait. Elle apparait sans se nommer.
La version originale de ce texte a été publiée sur Hors champ le 19.10.2020
Cet événement est présenté dans le cadre de la série ÉMERGENCE.
ÉMERGENCE est la version en ligne adaptée des activités concrètes prévues par la lumière collective. L’amour en ligne à l’époque de COVID.
Au lieu de tout simplement décharger les films et vidéos proposés en ligne, la lumière collective a sélectionné une œuvre par artiste et a demandé à ce qu’un écrivain local s’implique avec cette œuvre.
ÉMERGENCE est une nouvelle combinaison, une connexion locale, un engagement pour contrer la séparation.
Nous sommes impatients de vous voir de l’autre côté.
EMERGENCE est présenté avec le support du Conseil des arts du Canada.
Olivier Godin
Speculations , Garden City Beautiful, News from Nowhere: Ben Balcom in Three Films
About…
Speculations
Garden City Beautiful
News from Nowhere
“I just wanted to say something direct and sweet…”
Pasolini
“There is nothing else to trust but what warms…”
Samuel R. Delany
“The loosestrife is a plant that is both beautiful and somewhat vulgar because of its extraordinary vitality…”
Jacques Ferron
To strengthen its twilight meditation on the city of Milwaukee, Speculations by Ben Balcom extracts passages from Samuel R. Delany’s Dhalgren. Dhalgren is indeed a fireball of a book; an enormous comet to be cherished, but one that can be looked at directly without scorching the eyes. The fire flows in an astonishing trail of words, seized words, rushed words, it’s quite a feat, an enigma. We are filled up with the smell of gasoline and the end of the world. Back on the surface, the words relax, you catch your breath, and amidst all the flames and smoke, never will you have given your imagination the respite needed to cry, “Enough! What do you do with my exhaustion and what magnificent ravine do you lead it into and what happens with the burning?” I claim loud and clear that Dhalgren and Speculations are a match made in heaven. Balcom gives another rhythm to Delany, different from the breathtaking flow that is the nature of his novel. Speculations opens on a blank frame, and in the silvery murmur, a female voice, quite sleepy, somewhat nonchalant, seems to describe to us in her words – at least I didn’t have the impression that this excerpt was taken from Delany’s work – the fictional city of Bellona, which in Balcom’s film is tasked with interpreting Milwaukee. Another voice, also rather languorous, describes a grey day – the words from here on out will be Delany’s. Contagious grey, totem grey, bronchitis grey. Park, clouds, sky, everything is grey in the shadowless day, in the “perfectly ordinary city”. From this thematic grey emanates a certain ambiguity: a look at the end of things, the end that never ends, the end that continually catches up with the present. We open our eyes in this perspective and it is the soluble grey of Verlaine that is summoned, the grey of a poetic art, because Dhalgren is many things, too many things, perhaps. A fruitless yet pornographic tale, Afrofuturism’s saucy song, a novel of dust and blistering, the apocalypse in sandals, a labyrinthine station poem par excellence, a hippie parable, and also, a Marxist ringing in the ears. But if it is not, for example, a lasagna, it most certainly is an ode to poetry. And it is for this reason that Balcom’s film strikes at the juncture of the poetic lesson, and also precisely – if that’s indeed possible – at the juncture between the Indecisive and the Precise. In the words of Jaccottet, the film settles where “only the inaccessible may flower”, and, remaining in the poet’s paradise, the film does so while always searching for the inner note. The notes resonate, and Balcom captures them and plays them magnificently, almost like an intuitive romantic, making sure to flower his melody with the zest of the novel’s enormous question mark and angst: What happened in Bellona, which in this case is much less than Milwaukee?
“Where are we? I mean… what is this place? What happened here? How did it get like this?”
“A good question, a very good one. For a while, I thought it was international spies – I mean, maybe the whole city here was just an experiment, containing within it a sort of counter-plan to destroy everything: the country, the world, us.”
Suddenly, in the light of a full moon, plaster grey, factory grey, a woman speaks to the camera. Her eyes are worried, nasty, her eyebrows furrowed, she hardly blinks at all. Her lips are pretty. She may have an afro. Her feet, her boots are not visible. She recites a deliberately incoherent monologue – all the more so because it is quoted, as everything else, without the narrative context of Delany’s work. She puts into words a reversal of perspective.
“In my city,” she says, “you’re the one who’s nuts.”
Another woman appears. Blonde and accompanied by a man; he seems lost, she seems serious. We cannot see her feet, neither can she. Her monologue speaks of the invisibility of the mind. Following descriptions at the start, the words now take on a more philosophical tone, obscurely, explosively pervading the work. In this regard, the philosophers we come upon in Milwaukee may not be the holiest. They speak to the camera at unlikely hours, deliver fatal verdicts, advocate the very worst and, remaining in the realm of poetry, condemn the city to “defeat with no future.” They are all poets, even those who are actually engineers. In a 1971 film directed by Delany, there is a shot in which a man crushes a handful of compasses on the surface of a window. A strange, and excellent shot. Delany’s film, The Orchid, seems to be a clumsy and fascinating attempt – a praiseworthy failure – to restore to the image the impressionistic energy that animates his writing. Even if this is surely not Balcom’s intention, I can say that Speculations, through cinematic elegance and visual attention to detail that escapes Delany, succeeds, feet planted in the past, head in the present, tomorrow, in bridging the gap between text and images, and in the friendliness of light, but still, using night and shadows, a poetic edge. The most beautiful fruitions take shape in the light of the margins. And it ends beautifully with a quote from “In Time of Plague”, chapter four, just after the “House of the Ax”, in which Delany’s main character, this man who wears only one sandal, who has hideous hands, who has only read Mallarmé in Portuguese, who doesn’t know his name and who, in his spare time, scribbles poems in a notebook, the notebook filled with other poems by an author he knows nothing about, except that this author is perhaps another version of himself, in short, discusses him at length with another scholarly, prolific, wise, funny poet, in the image of Delany’s poetic work, the so-called Newboy. Balcom, with a definitely meaningful intention, grants his film’s final words to this poet and visitor, who, like us, is just passing. It is a beautiful moment in the book, but also in the film and as a conclusion:
When you ask me the worth of these poems, you are asking me what place the image of this city holds in the minds of those who have never been here. How can I presume to suggest? There are times, as I wander in this abysmal mist, when these streets seem to underpin all the capitals of the world. At others, I confess, the whole place seems a pointless and ugly mistake, with no relation to what I know as civilization, better obliterated than abandoned. I can’t judge because I am still in it. Frankly I will not be able to judge once out of it, for the bias that will remain from once having been a visitor.
If I ask my phone to translate the title Garden City Beautiful into French, it answers Ville Jardin Magnifique. It’s a simple and straightforward response, just like the movie, which makes you think, I don’t know why, that there is nothing particularly new in Ben Balcom’s films. Which also makes me think that the very idea of novelty is an illusion that is best not chased, which should not be claimed, especially if the creation has the misfortune of being labeled experimental. But Balcom’s lack of novelty, or experimentation, allows me to praise his discreet audacity and to better distinguish his sensitivity to it. An absence worked out to whisper, to say very little, but still to say just enough, to whisper magnificently, is still something to aspire to. What is then lodged in the ear will go straight to the heart, as if the heart were a casing, the film, its music, a music that alone would be the dreamed convalescence of a mad, mad world. Literature hides in this cinema, which I mean, and the only relevant novelty seems to me to come from its self-effacing willingness to make a statement while not taking part in the ambient cacophony. To stand on the sidelines, to be nothing more than that, music, and quite rightly, the murmur of the image. Avant-garde has been recycling the novelty of its experiences for at least half a century – its greatest audacity is to always claim to be ahead of the curve. This work, however, claims nothing more than to bring yesterday’s texts together with today’s images, more precisely, images of Milwaukee, and even more precisely, texts that address its future. Balcom exchanges the grey sky for the blue sky, a postcard sky, a sky of placid dreams. A voice, still somewhat asleep, reads a letter from Victor Berger, written in 1895. Berger was a politician, a socialist, a clear-minded and anxious man. The contents of his letter are a sort of apocalyptic shampoo, the relaxed apocalypse, one that gives birth to mutual aid and communes, as in Dhalgren by the way, an apocalypse with luminous lice, a sore ankle, a bruised ankle, and which signals the end of capitalism and the index of progress in its most vertiginous form. A catastrophe has laid individualism to rest. The need for the other, to meet the other, heralds the era of living together. The workers have access to better conditions. Machines are friends. Orwell upside down, William Morris’ dream or the real world coming of Shaw’s Major Barbara. But the electric stars, which Balcom likes to nervously shoot, proclaim that the film’s present has retained nothing of Berger’s future, except that this future is the articulation of a dream that is crying out for topicality, for truth, the truth that penetrates sleep, the dream of those who dream of not taking the highway, but who do so, secretly dismayed. Balcom resumes dreaming Berger’s dream, to become part of a cycle that repeats the same necessity. Sleeping characters repeat what has already been uttered elsewhere. An aside: the idea of repetition is an idea that feeds Delany’s Dhalgren in the same way that it seems here to give rise to a cycle that is shared day and night, as if in Berger’s words Delany’s words are hidden, the words that hold the secret of Milwaukee’s future, the secret heard by Balcom’s camera, in a dream, surely a dream of survival. Ferron writes somewhere that happy survival is becoming increasingly rare in a “habitat that concrete, asphalt and gasoline are supposed to humanize”. I quote the greatest bard from Quebec, because here there is a concert of fragments of wounded highways, wounded perhaps by the progress they generate. Concrete, asphalt, gasoline. The strong and magnificent images follow one another to rhyme with the cracks that scar the asphalt. With its back to the sky, the camera moves away from these cradles of cigarette butts, from the clumps of dirty grass and from the tar that makes a black, ugly and fierce glue bandage. In praise of purple loosestrife or grey grass, repetition leads us to discover a nature that has been defeated and which finds there a heroic access to the light. It thus gives back to the people of plants a hold on their territory. Hope, hidden in the stitches along the highway. This is a completely questionable interpretation, I admit, but it is mine.
Ben Balcom then makes News from Nowhere, whose title, in a nod to William Morris and his utopian novel of the same name, is particularly interesting. Morris’ novel tells the story of what goes on underground in Balcom’s previous film, that is, the story of the dream of a future society based on sharing and the common good. I mention it because, more than a reference, the content of this work weaves precious links between this film and the previous ones, and recontextualizes Bernadette Mayer’s magnificent text, taken from her collection Utopia, towards the intimate, and which serves here as Balcom’s main inspiration. This “news from nowhere” tells another story of another encounter marked by Soluble Grey. The result is an even more evanescent image of the poetic world, which has lost its totality to become fixed in the margin of time. Here I have seen nothing of Milwaukee, still know nothing of Milwaukee, except the deer emblem, except the pairing of baseball and beer, Paul Molitor, that hitter who looks like a lasagna delivery man, Michael Redd, catapult, pumpkins and all that, and also, from the same corner, Jacob Blake and the murderous policemen. What I do not know is the rest, the enigma of the park and suburban green, the message hidden in the music of the birds and the saxophones. The title’s “nowhere” becomes clearer, as does the text. A diamond-like light is conjugated there, is further clarified, in the frame of this long panoramic missive that precedes the black and white of a tapestry. It evokes nature, the tapestry, and also, the works of William Morris, thinker of the future and pioneer of a decorative art who drew upon the stock of the old, that is to say, the timeless. Ambient music is heard. If you recognize the notes, it is because they seem to be taken from the soundtrack of half of the world’s experimental works. It’s rather innocuous – but here it is played in a gentler variation than usual. It’s less in your face, because what it is perhaps aiming for is the heart and soul, those lands in another nowhere. It sustains this weakness, that is to say, to strive for the softest, but in the end, I would not completely dare reproach it for that. If you’re a fan of experimental cinema, you’ll often come across this music, I’m talking about the music of drones, electronic drone, ambient gravy, elastic tonality, molasses with minimal variations. If this music is so familiar, Balcom has the great advantage of having the support of birdsong. It too is familiar to us. Above all, it is familiar because it is often the only music that counts. A music that gathers in it the existence of the poem that is breathed by the senses. At the beginning, the tapestry which reproduces images of nature gives way to true nature. At least, we get closer to it; we go outside, to see the birds. To see the birds, with our ears. A fly also buzzes by. As the text ends with a question, an organic sound finally whips us as if to answer: The sound of the saxophone is based on the song of the birds. On a dirt road, the camera turns, but it also turns the green of the trees and shadows. In the fragments of blue sky, blue, but not too blue, a hope for the afternoon. And in the blue, a kind of end appears. It appears without stating its name.
Translated from the original French by Olga Montes, edited by Benjamin R. Taylor and published by Offscreen on 16.12.2020
The original version of this text was published by Hors champ on 19.10.2020
By night, la lumière collective is a microcinema that projects films, videos and expanded cinema produced by local and international artists. By day, la lumière collective is an artists’ studio and residency space with multiple resources for working and experimenting with various moving image media. The collective is led by local artists and curators who believe in creating cinematic works and spaces on a human scale. We facilitate events to bring people together. We create links to help promote and revitalize cinema.
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