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Jorge Lozano

Thoughts from below

25.11.2020 – 31.12.2021

HD | 2019 | 27 min

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LE MICROCINÉMA AU TEMPS DE LA COVID-19

Cet événement est présenté en ligne en raison des restrictions imposées relatives aux déplacements et aux rassemblements publics.
Pour une durée limitée, la lumière collective présente à chaque semaine le film d’un artiste accompagné d’un texte de commande.

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Tous les dons sont distribués aux artistes.

Présenté par

la lumière collective

en collaboration avec
Kathryn Michalski
Racines de la résistance : notes sur Prop Roots et Thoughts from Below

Regardez le film Props Roots d’Alexandre Gelis ici

Dans Prop Roots (2020), Alexandra Gelis utilise la métaphore de la mangrove comme existence  entre deux lieux. La mangrove existe entre la terre et l’océan, et c’est une plante connue pour sa capacité à s’adapter et à survivre aux rudes conditions côtières. Ce sont ses racines qui la rendent unique. Alors qu’elles nourrissent et protègent la mangrove des éléments, une grande partie de celles-ci poussent à l’extérieur du sol s’adaptant ainsi de manière singulière à l’environnement qui les entoure. Bien que ces plantes survivent dans des conditions difficiles, leurs racines exposées aux éléments sont aussi fortes que vulnérables. 

Le rythme de ce film est à la fois hypnotique et déstabilisant. Nous nous sentons connectés à la nature représentée et aux sons qui l’accompagnent. Cela dit, nous manquons de temps pour pleinement absorber des images que nous ne vivons que très brièvement. Nos sens sont d’autant plus assaillis par l’usage du double écran. La présentation de Prop Roots au festival the8fest en 2018 consistait en une projection double en Super 8mm. Le film a été par la suite remonté numériquement dans sa forme contemporaine à double écran, avec de nouvelles séquences et du texte ajouté. Même si les deux écrans présentent des images qui sont intrinsèquement liées, un sentiment de fragmentation s’en dégage; la sensation d’être coincé entre deux lieux (voire plus). En résulte un malaise viscéral lié à la volonté de vouloir s’établir dans un lieu tout en voulant appartenir à un autre.

La nature environnante devient son alliée dans ce périple. Les oiseaux et les papillons, délicates créatures de transition, l’accompagnent, mais même ceux-ci n’habitent l’espace que temporairement. Le film est traversé par une dualité évidente entre familier et étranger qui renvoie au rapport entre Gelis et le paysage. Le public est aussi obligé de travailler, de se concentrer, pour essayer d’établir une sorte de continuité et essayer de comprendre ce qu’il se passe alors que notre attention est tiraillée d’un espace à l’autre. Gelis, qui vit aujourd’hui près des eaux froides des lacs de Toronto, utilise ses racines comme une forme de résistance. Elle crée un équilibre entre ce qu’elle a construit auparavant et ce qu’elle est en train de construire. On se croirait parfois dans un rêve où elle existe dans plusieurs lieux à la fois. 

Ce rêve est adressé dans Thoughts from Below (2019), un film de Jorge Lozano, co-réalisé avec Gelis : un autoportrait onirique et fragmenté des artistes qui ont de la difficulté à trouver leur équilibre entre leur vie d’aujourd’hui et leur passé qui les afflige constamment. Dans le film, les deux réfléchissent à leur difficulté à être eux-mêmes alors que leur vision du présent et la façon dont ils sont perçus dans leur milieu de vie contemporain sont teintées par leurs pensées et traumatismes passés. 

Alors que leurs corps habitent un territoire, leurs âmes semblent être ballotées entre des espaces et des temps multiples. Ils déambulent dans les rues tranquilles de Toronto tourmentés par leurs pensées sur la guerre, les enlèvements, les bombardements et leur difficulté à se sentir en paix dans un monde dont le calme semble suspect. Cette marche tranquille, sans violence ni douleur, devient un espace surréel. Ils semblent se consoler mutuellement, à la fois conscients de devoir suivre leurs destins respectifs et ignorants vis-à-vis de l’avenir. Ils sont comme la mangrove : leurs racines, bien qu’exposées, leur procurent de la force. Comme l’image (j’oserais dire “la magnifique image”)  de la mouette qui atterrit en vitesse inversée, leur lutte se fait contre le temps, l’ici et le maintenant opposé à l’ailleurs et le passé.  

Lozano parle de re-représentation d’une vie confortable pour laquelle il se sent reconnaissant mais pas moins égratigné, imparfait et rempli de trous comme ceux que l’on remarque sur la pellicule 16mm développée à la main. Dans la section intitulée “The Future”, les deux abordent les idéologies féministes en relation à des thèmes comme la nature, l’amour et aux soins apportés aux plantes, aux enfants et aux autres. Ils construisent un front solidaire nuancé par leurs identités singulières. Alors que leurs vies actuelles ont pris racine dans des traumatismes vécus par le passé, ils s’imaginent toutefois construire une vie basée sur la tendresse et la compassion. 

Leur catharsis vient non seulement de cette envie de prendre soin, mais également de la création. Au fur et à mesure du film, nous accompagnons Gelis et Lozano lors de la grève de l’Université York en 2015. Un moment marqué par des conflits alors qu’ils s’émerveillent face à la possibilité d’exprimer pacifiquement des revendications au Canada par rapport à la Colombie où ils seraient abattus pour de telles revendications. Cela dit, la manifestation déçoit elle aussi : témoins de la futilité de leurs actions, ils se sentent comme des pions. En effet, les dirigeants ne semblent être là que pour une séance photo vide de sens si bien que, tout en reconnaissant une forme d’inclusion, ils se sentent toujours étrangers. Lozano murmure alors: 

“L’Université continue d’être une industrie, un contenant, à laquelle on doit se conformer pour en faire partie. Les gens comme nous doivent s’adapter aux systèmes qui les excluent, et par la suite nous devons nous sentir reconnaissants de représenter l’inclusion de la diversité. En fait, nous avons été systématiquement laissés pour compte parce que nous ne possédons pas la bonne forme physique, culturelle et conceptuelle.” 

En d’autres termes, Lozano et Gelis continuent d’exister dans un système qui fait semblant de s’intéresser à la diversité et à l’inclusion.

Capturant à jamais le moment, dans Thoughts from Below, Lozano filme une scène où Gelis tient une caméra super 8 qu’elle pointe sur elle-même tout en tournant en rond. Cette scène est le point de départ de Walking in Circles (2015), le documentaire de Gelis sur la grève à l’Université York. Mais, plus important encore, elle nous montre la façon dont les deux artistes sont en mesure de guérir et de réfléchir à ces difficultés à travers la création artistique. 

Partagés entre de multiples lieux, Geliz et Lozano vivent un diptyque qui leur est propre. Comme la dichotomie dans Prop Roots, ils sont divisés entre deux façons de voir le monde avec leurs racines visibles qui leur procurent courage et résilience. Ils trouvent des façons de se sentir chez eux dans une culture qui les utilisent comme symboles de l’inclusion tout en les excluant constamment. Ils bâtissent un monde, un futur nouveau, dans lequel l’écureuil s’introduit dans leur maison au Canada pour manger des bonbons Supercoco colombiens. 

Traduction : Emma Roufs & Samy Benammar

La version originale de ce texte a été publiée sur Offscreen le 16.10.2020

Cet événement est présenté dans le cadre de la série ÉMERGENCE.

ÉMERGENCE est la version en ligne adaptée des activités concrètes prévues par la lumière collective. L’amour en ligne à l’époque de COVID.

Au lieu de tout simplement décharger les films et vidéos proposés en ligne, la lumière collective a sélectionné une œuvre par artiste et a demandé à ce qu’un écrivain local s’implique avec cette œuvre.

ÉMERGENCE est une nouvelle combinaison, une connexion locale, un engagement pour contrer la séparation.

Nous sommes impatients de vous voir de l’autre côté.

EMERGENCE est présenté avec le support du Conseil des arts du Canada.

Kathryn Michalski
Roots of Resistance: A Few Notes on Prop Roots and Thoughts from Below

Watch Props Roots by Alexandre Gelis here

In Prop Roots (2020), Alexandra Gelis uses the mangrove as a metaphor for existing between two spaces. The mangrove exists between the land and the ocean, and is a plant known for its ability to adapt and survive under harsh coastal conditions. What is most special about the mangrove is its prop roots. While they manage to nourish and protect the mangrove from the elements, a large part of them grow above ground, uniquely adapting to the world around them. In spite of the success of these plants in surviving under difficult conditions, the part that remains uprooted is exposed to the elements of the world – strong and vulnerable at the same time.

The pacing of this film is both hypnotic and unsettling. We feel both connected to the nature shown and to the accompanying sounds; however, we are never quite given enough time to fully absorb the images, we only momentarily experience them. Our senses are further bombarded through the use of dual screens. Prop Roots was originally shown as a super 8mm, dual projection at the8fest in 2018. The film was been re-vamped into its contemporary dual screen, digital version with additional sections and text. While the two screens are intricately related, they leave one feeling split, with the sensation of being caught between two (or more) places. The visceral feeling of scrambling to establish footing within one space, while also wanting to belong to another.

  The natural surroundings become her allies on this journey. Birds and butterflies, delicate transitory creatures, accompany her – but they themselves only temporarily inhabit the space. Familiar and foreign, one cannot miss the duality that is rampant throughout the piece, between the landscape and Gelis. The audience is also forced to work, to focus, to try to establish a sense of permanency; to try to understand what is happening as our attention is pulled from one place to another. Gelis, who now lives next to the cold water lakes near Toronto, uses her roots as a form of resistance. She balances all that she has built, with that which she is currently trying to cultivate. Part of it feels like a dream, like she exists in multiple places as once.

This dream is addressed in Thoughts from Below (2019), a film by Jorge Lozano, co-made with Gelis. A fragmented, dream-like self portrait of artists struggling to find balance between their lies in the present, as the past constantly weighs on them. In the film, the two reflect on the difficulties of being when the thoughts and traumas of their previous lives form the lenses in which they view the contemporary moment and through the lens through which they are viewed in their contemporary environment.

While their bodies inhabit one land, their souls seem in-flux between multiple places and times. They walk down the peaceful streets of Toronto plagued by thoughts of war, kidnappings, bombings and the struggle to feel at peace in a world that feels “suspiciously safe.” A quiet stroll, lacking in violence and pain, is a surreal place. They seem to take solace in each other, both knowing what it is like to make their own path, not quite knowing what to expect next. They are like the mangrove, their roots exposed, but providing strength. Like the (dare I say beyond beautiful) image of the seagull landing shown in reverse, theirs is a struggle with temporarily, between the here and now and the there and past.

Lozano speaks of re-representation, of a life in which he feels both fortunate to be safe; yet, scratched, imperfect, and full of holes, similar to those seen while watching 16mm hand-processed film. In a section titled “The Future,” the two work through feminist ideologies relating to concepts including nurture, nature, love, and how to tend to plants, children and to others. They are building a unified front while pondering their identities. While their current lives may be rooted in previously lived trauma they nonetheless are able to imagine a life built on tenderness and compassion.

Their catharsis comes not only from nurture, but from creation as well. As the film progresses, we join Gelis and Lozano at the 2015 York University strike. A moment plagued with conflict as they marvelled at how peacefully one can express one’s beliefs in Canada versus in Columbia where one would be shot for seeking change. Yet, the protest is also disappointing as they witness the futility of their actions, feeling like pawns, like nothing more than a photo op for the Union leaders. Pondering their inclusion, yet forever feeling like outsiders. Lozano whispers:

The University continues to be a factory, a container, to conform, to repeat, to fit in. People like us, have to adapt to systems that exclude us and we’re expected to be thankful that we represent the inclusion of diversity. When in fact, we have been left systematically out of place because we are of the wrong physical, cultural, conceptual shape.

In other words, Lozano and Gelis continue to exist in a system that only pretends to be interested in diversity and inclusion.

Forever capturing the moment, in Thoughts from Below, Lozano records a scene of Gelis holding a super 8 camera pointed at herself while spinning in circles. This footage forms the basis of Walking in Circles (2015), Gelis’ documentation of the York strike; but, more importantly, it shows the ways in which both artists heal and reflect upon difficulties, that is, through the creation of art.

Gelis and Lozano live in a diptych of their own, split between multiple places. Like the diptych in Prop Roots, they are split between two competing worldviews with their roots showing, the very roots that provide their strength and resilience. Finding ways to feel at home in a culture that uses them as a symbol of inclusion while constantly excluding them. They are building a world, a new future, one in which squirrels break into their home in Canada to snack on Supercoco candies from Columbia.

Published by Offscreen on 16.12.2020

By night, la lumière collective is a microcinema that projects films, videos and expanded cinema produced by local and international artists. By day, la lumière collective is an artists’ studio and residency space with multiple resources for working and experimenting with various moving image media. The collective is led by local artists and curators who believe in creating cinematic works and spaces on a human scale. We facilitate events to bring people together. We create links to help promote and revitalize cinema.

La lumière collective is rooted in the local, the physical, the here and now.

In this time of virtual connections and physical distancing, we have transformed our projection space into a virtual space, while maintaining local connections.

EMERGENCE is the adapted online version of the practical activities planned by la lumière collective. Online love in the time of COVID.

Instead of simply downloading the films and videos available online, la lumière collective has selected one work by each artist and asked that a local writer be involved with each work.

EMERGENCE is a new combination, a local connectedness, a commitment to counter separation.

We look forward to seeing you on the other side.

EMERGENCE is presented with the support of the Canada Council for the Arts.