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Aaron Zeghers

– Memoirs –

11.11.2020 – 31.12.2020

HD | 2019 | 10 min

Cette vidéo n’est plus en ligne. Cependant, vous pouvez lire le texte de commande ci-dessous et visiter le site web de l’artiste ici.

LE MICROCINÉMA AU TEMPS DE LA COVID-19

Cet événement est présenté en ligne en raison des restrictions imposées relatives aux déplacements et aux rassemblements publics.
Pour une durée limitée, la lumière collective présente à chaque semaine le film d’un artiste accompagné d’un texte de commande.

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Présenté par
en collaboration avec
Jonatan Campbell
Comment filmer nos souvenirs ?

Nos souvenirs prennent la forme de fragments au sein de notre imagination et nous en négocions constamment l’importance ou la signification dans nos vies. En effet, ces moments fragmentés se logent dans notre conscience comme des histoires qui n’attendent que d’être racontées. Comment déchiffrer ces souvenirs ? Comment leur donner sens ? Comment les extérioriser ? Dans son court métrage intitulé Memoirs (2019), Aaron Zeghers explore ces différentes questions en élaborant une construction narrative poétique et une esthétique visuelle onirique, à la fois entrelacées et disjointes l’une de l’autre. Cette approche évocatrice aboutit à un film qui révèle nos états d’âme dans toute leur complexité, imitant le caractère fragmentaire de nos souvenirs et la fragilité de notre mémoire.

Memoirs est une expérience audiovisuelle lyrique et poignante, explorant la nature éphémère et morcelée des souvenirs tout comme les façons dont ceux-ci affectent nos relations interpersonnelles. Le film encourage les spectatrices et les spectateurs à réfléchir aux nombreuses histoires qui les définissent au temps présent, qui les définissaient hier et qui les définiront demain. Zeghers construit un récit exaltant, composé d’histoires familiales lui étant propres. Par la fusion d’images originales — en 16 mm et numériques — et d’archives constituées de films de famille et de photographies, Memoirs forme un récit personnel captivant, étalé sur trois générations. Il témoigne d’une approche artistique aussi effrénée qu’originale. Le cinéaste combine des entrevues en voix off — autant chaotiques que déstructurées — avec les membres de sa famille à des images abstraites du passé et du présent ; montage aisément comparable à la précarité de la mémoire et au désarroi engendré par l’oubli. Les anecdotes fragmentées entendues, lorsque liées à des images déconnectées des mots, montrent ces lacunes que nous avons toutes et tous quant à notre capacité à se rappeler certains moments dans leur entièreté. Dans l’un des nombreux instants significatifs et mélancoliques de Memoirs, Zeghers filme sa main tenant une photographie de la maison familiale de ses grands-parents. Il retire ensuite la photographie pour révéler que, même si certaines pièces de la demeure familiale contiennent encore les traces visibles du passé, tels des meubles ou autres souvenirs, ce sont davantage les personnes occupant ces espaces, qui ont changé le plus radicalement. Les objets peuvent rester figés dans le temps, mais il n’en est pas de même pour l’humain et sa conscience. Ici, les médias photographiques et filmiques agissent comme traces physiques et mémoire matérielle du temps qui passe, des événements qui ont eu lieu et qui adviendront.

Comme le précise Siegfried Kracauer dans un article portant sur la photographie : « Memory encompasses neither the entire spatial appearance nor the entire temporal course of an event. Compared to photography, memory’s records are full of gaps » [1]. Ici, Kracauer sous-entend que, même si nous désirons nous souvenir de certains évènements passés au meilleur de nos capacités, nous ne sommes jamais totalement en mesure de nous les remémorer dans les moindres détails. Nous avons alors tendance à nous tourner, pour combler nos souvenirs lacunaires, vers des supports visuels et sonores comme la photographie ou l’enregistrement. Paradoxalement, ce recours aux supports médiatiques comporte lui aussi ses propres limites et partis pris. En explorant les limites du médium audiovisuel, Zeghers donne sens aux processus psychologiques associés au fait de se remémorer. De plus, le cinéaste révèle, tente de combler et établit des liens entre ces fissures à la fois temporelles et spatiales. En expérimentant avec différents médias audiovisuels, il enregistre et archive ainsi les histoires qui ont, sur plusieurs générations, constitué la tradition orale de sa famille et contribué à la définir. Les souvenirs n’adoptent pas de forme particulière, ils sont immatériels, mais en tentant de les reconstituer par le biais de l’audiovisuel, il devient alors possible de les transformer en quelque chose de palpable que nous pouvons voir, écouter et saisir — même si ces objets eux-mêmes sont lacunaires et incomplets. Ces derniers deviennent des traces matérielles de ce qui nous définit ; nous permettent de mieux nous comprendre par les histoires latentes qu’ils détiennent. Ce que nous ressentons finalement à travers l’expérience audiovisuelle de Memoirs, c’est notre tendance — consciente ou non — à vouloir constamment remplir les trous qui composent les structures de nos souvenirs.


La version originale de ce texte a été publiée sur Hors champ le 19.10.2020

Cet événement est présenté dans le cadre de la série CRITIQUES de VISIONS.

VISIONS est une série de projections mensuelles consacrée au cinéma documentaire expérimental et aux artistes dédié.es à l’image en mouvement. Sous la direction de Benjamin R. Taylor, depuis 2014, à Montréal, VISIONS présente ces oeuvres dans plusieurs lieux et en collaboration avec des festivals locaux tels que la Cinémathèque québécoise, la lumière collective, être, Ex-Centris, RIDM, FNC, POP Montréal et Cinéma moderne. Les artistes sont toujours présent.es aux séances. Nous facilitons le voyage des artistes au Canada en organisant des projections, des ateliers et des tournées. Les films sont présentés dans leur format d’origine. VISIONS participe également à plusieurs festivals internationaux, visite d’expositions et facilite la rencontre entre les créateurs et le public.

Le programme en ligne CRITIQUES est une conséquence des activités de programmation reportées de VISIONS. En partant d’une sélection d’œuvres initialement programmées pour la saison 2020, il s’agit de les mettre en dialogue avec un écrivain local à qui l’on demande de réfléchir, réfracter, retracer et réinterpréter l’œuvre en question. Les textes rassemblés sont tout d’abord publiés dans une édition spéciale de Hors champ. Ensuite, à chaque semaine, une œuvre sélectionnée sera diffusée sur la nouvelle plateforme de projection virtuelle-à-l’épreuve-de-la-pandémie du microcinéma local la lumière collective, jumelée avec le texte.

Chaque itération propose à un écrivain invité de dialoguer avec les images à sa manière, dans le but de renouveler les idées, de proposer des conversations, d’établir de nouveaux discours. À une époque où la diffusion en ligne est abondante et sans fin, CRITIQUES vous propose de quoi lire et réfléchir. Quelque chose que vous pourrez garder avec vous jusqu’à notre prochaine rencontre.

Pour suivre le projet, inscrivez-vous à notre liste de diffusion.

La série CRITIQUES est présentée avec le soutien du Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts et lettres du Québec et le Conseil des arts de Montréal.

[1] Kracauer, Siegfried, « Photography », Critical Inquiry, vol. 19 (printemps 1993), traduction anglaise de Thomas Levin, Harvard University Press, p. 425.

Jonatan Campbell
How do we film our memories? A short essay about Aaron Zeghers’ Memoirs

Memories exist as fragmented moments within our imagination, the importance or meaning of which we are constantly negotiating in our lives. Indeed, these fragmented moments remain in our consciousness as stories that are waiting to be told. But how can we decipher these memories? How can we make sense of them? How can we externalize them? In his short film, Memoirs, Aaron Zeghers explores these different questions by using lyrical forms of narrative construction and dream-like visual aesthetics that are both intertwined and disjointed from each other. These evocative techniques bring about a film that reveals our own complex state of mind, mimicking the fragile structures of our memories.

Memoirs is a haunting and poetic viewing experience, exploring the ephemeral and fragmented ontological nature of memories, and how they affect our relationship to each other. As viewers, we are asked to reflect upon the many stories that define who we are, who we were, and who we will be. Zeghers constructs a frenetic experiment around the telling of his family’s stories. By fusing together original 16mm and digital footage, along with personal family archives made up of home footage and photographs, Memoirs becomes an engaging personal tale that spans three generations, grounded within an artistic approach that is as original as it is frenzied. Zeghers includes chaotic and unstructured voiceover interviews with his family members over abstract images of past and present, resembling the precarity and disarray of remembering. These fragmented aural anecdotes are stitched together alongside disconnected images, which display the gaps in our ability to recollect. In one of the many significant and melancholic moments within Memoirs, Zeghers films his hand, holding a photograph of his grandparents’ family home. He then removes the photograph, only to reveal that even though the rooms still hold visible traces of the past, with some of the same furniture and memorabilia, what has changed more drastically are the people occupying these spaces. Objects can remain frozen in time, but the self and people do not. Pictures in this way, become physical traces that can help us better understand the passing of time and the stories that have taken place. Here the transition between the photographic and the filmic mediums act as a witness of time passing, as a visual trace of what was and what will become.

As the cultural theorist Siegfried Kracauer once wrote in an essay on photography, “Memory encompasses neither the entire spatial appearance nor the entire temporal course of an event. Compared to photography, memory’s records are full of gaps” (425). Here, Kracauer implies that as hard as we might want to recall certain past events to our best abilities, we are never truly capable of remembering everything in detail. We continuously turn to visual mediums, such as photography, and auditory mediums, such as recordings, to fill the gaps created by our memories. This paradox then anchors itself in our dependence on these mediums to help fill the gaps, a task these mediums too can never fully accomplish. By exploring the limits of the audiovisual medium, Zeghers makes sense of the psychological practices associated with remembering. Moreover, Zeghers is trying to reveal or even bridge these temporal and spatial crevices by experimenting with different audiovisual mediums to capture and archive the aural stories that have shaped his family for generations. Memories on their own take no shape or form, but by recreating them through audiovisual media, it then becomes possible to turn our recollections into objects we can see, listen, and hold —even if these objects themselves are incomplete/have gaps. They become material traces of our sense of self, which we come to understand through the stories that they hold. What we then experience on the screen in Memoirs, is a visual and auditory exhibit about how we negotiate the disparities that make up the hidden structures of our memories.

published by Offscreen on 16.12.2020


The original version of this text was published by Hors champ  on 19.10.2020

VISIONS is a series of monthly screenings devoted to experimental documentary cinema and artists specializing in moving images. Curated by Benjamin R. Taylor in Montreal since 2014, VISIONS presents these films in various venues and in collaboration with local festivals such as the Cinémathèque québécoise, la lumière collective, être, Ex-Centris, RIDM, FNC, POP Montreal and Cinéma moderne. Filmmakers always attend screenings and we help them travel to/within Canada by organizing screenings, workshops and tours. Films are always presented in their original format. VISIONS also takes part in several international festivals and exhibitions and helps bring creators and the public together.

The online program CRITIQUES is a consequence of VISIONS’ postponed programming activities. Starting from a selection of works initially programmed for the 2020 season, the idea is to bring them into direct conversation with a local writer who is asked to reflect, refract, retrace and reinterpret the work in question. The collected texts are first published in a special edition of Hors champ. Then, each week, a selected work is shown on the new virtual-pandemic-proof screening platform of the local microcinema la lumière collective, together with the text.

Each iteration invites a guest writer to establish a dialogue with the images in his or her own way, with the aim of renewing ideas, provoking conversations, establishing new discourses. At a time when online broadcasting is abundant and boundless, CRITIQUES offers something to read and think about. Something to take with you until we meet again.

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The CRITIQUES series is presented with the support of the Canada Council for the Arts, the Conseil des arts et lettres du Québec and the Conseil des arts de Montréal.

Bibliography:

Kracauer, Siegfried, “Photography.” Critical Inquiry, vol. 19, Spring 1993, English translation by Thomas Levin, Harvard University Press, pp. 421-437.